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Technologies et sécurité : réguler pour garder le contrôle

22/11/2023

Groupe OP

La numérisation du monde induit logiquement celle de la sécurité, mais cette « technologisation de la sécurité » dissimule d’autres réalités sous-jacentes qui peuvent remettre en cause les fondements des pratiques et des compétences dans le domaine de la sécurité.

Sommes-nous passés de la civilisation de la peine à la civilisation de la panne ?

La puissance technologique (et particulièrement la technologie numérique) porte en elle sa propre fragilité.

Plusieurs cas d’attaques informatiques spectaculaires (notamment contre l’Estonie en 2007, contre la chaîne francophone TV5 Monde en 2015 ont, en effet, démontré la vulnérabilité de nos infrastructures numériques face à des actions cyber-malveillantes de grande ampleur.  

Mais ces menaces en provenance du cyberespace ne sont pas seulement dues au développement d’une nouvelle et très impénétrable forme de criminalité globalisée. Elles se traduisent aussi par un risque réel de perturbation, voire d’indisponibilité plus ou moins permanente des nouveaux outils technologiques dont notamment l’État et ses services les plus régaliens (police, gendarmerie, justice, forces armées) usent pour remplir leurs missions de prévention et de répression.

En effet, plus la puissance publique se repose sur des systèmes techniques complexes, plus elle doit intégrer la perspective d’être désarmée au moins temporairement par les effets des fragilités numériques. Que se passerait-il si cette technologie tombait en panne ? Car il faut bien penser qu’à terme, une technologie finit toujours par tomber en panne.

Un récent rapport parlementaire a mis notamment l’accent sur le fait que « les forces de sécurité intérieure s’appuient de plus en plus sur les réseaux civils pour certaines de leurs télécommunications ».  

L’État est bien conscient du paradoxe qu’il y a à numériser toujours plus ses pratiques de sécurité alors même que le socle technique des technologies de l’information recèle une insécurité irréductible.

La création beaucoup plus récente de l’Opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés (OSIIC) manifeste d’ailleurs le souci des plus hautes autorités publiques de durcir le cœur de leurs systèmes d’information dédiés à ses missions de défense et de sécurité nationale

Le développement de la vidéoprotection sur la voie publique est une autre manifestation de cette sur-valorisation de la technologie sur d’autres moyens de prévention. Pourtant l’efficacité de cette technologie pour la prévention de la délinquance reste assez controversée

Ce « techno-solutionnisme » sécuritaire a une autre dimension. Il renforce également l’incitation à la privatisation croissante des missions et des prestations de sécurité. Le lien entre technologie et implication de la sécurité privée est largement établi.  Les raisons de ce phénomène sont assez simples à identifier. En effet, la puissance publique, forte en hommes et en droit, est presque entièrement démunie en matière technologique. La plupart de ses moyens industriels et techniques propres ont été privatisés.

La prise de conscience des risques induits par l’apport de la technologie dans la sécurité est donc un facteur essentiel pour le secteur de la sécurité privé. Si la maîtrise de la technologie apporte des gains d’efficacité évident, il comporte également des risques potentiels en termes de criminalité mais également des risques induits de panne et de défaillances.

C’est donc en pleine conscience que les sociétés privées doivent instaurer un équilibre nécessaire entre les agents et les machines qu’ils contrôlent.

(Source – Bertrand WARUSFEL)